
Cet article est la retranscription de l’épisode du podcast #QSNTALKS – Episode 78 : Responsabilité sur les réseaux sociaux
Cet épisode a été diffusé sur le podcast le 12 février 2025.

Dans cet article :
▶️ L’affaire Karla Sofia Gascon : analyse des risques et des conséquences
▶️ Les risques et conséquences de ce que l’on publie sur les réseaux sociaux
▶️ L’importance de gérer son ‘Personal branding’, bonnes pratiques et précautions sur les réseaux sociaux
▶️ Bonnes pratiques et précautions des entreprises envers leurs salariés
🎧Oscars, polémique et responsabilité sur les réseaux sociaux : tout ce qu’enseigne le cas Karla Sofia Gascon
Aujourd’hui, je vais parler d’un sujet d’actualité en décryptant l’affaire Karla Sofia Gascon.
Vous avez peut-être entendu parler de cette actrice au cœur d’une polémique qui pourrait lui coûter un Oscar, tout en mettant en difficulté la production du film qui l’emploie.
Je vais donc aborder le sujet de l’impact de nos publications sur les réseaux sociaux.
Et pour ça, nous allons faire le point sur l’importance de surveiller son e-réputation, les risques juridiques liés à ce que l’on publie sur les réseaux sociaux, ainsi que les bonnes pratiques pour protéger son image et celle de son employeur.
À travers le cas Karla Sofia Gascon, j’analyserai les mécanismes qui transforment quelques posts en potentielle catastrophe pour une carrière.
Commençons sans plus tarder en plantant le décor de cette affaire qui fait trembler Hollywood et rappelons-nous combien il est crucial de gérer son image en ligne.
L’impact des réseaux sociaux sur la réputation
Les réseaux sociaux se sont imposés comme des espaces d’expression incontournables, aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Chacun se voit désormais offrir une tribune pour partager ses idées, ses opinions ou des bribes de sa vie quotidienne. Cette exposition, si elle peut être bénéfique pour se faire connaître ou promouvoir son travail, peut également se retourner contre ceux qui y participent lorsque certains contenus sont jugés offensants ou inappropriés.
A l’heure de la viralité des informations, un simple message posté à la hâte peut avoir des répercussions considérables. L’erreur la plus courante consiste à sous-estimer la durée de vie des contenus publiés : un tweet même supprimé peut ressurgir des années plus tard via des captures d’écran, des archives ou des articles de presse. Cette résurgence intempestive peut avoir un impact dramatique sur la réputation personnelle et, par ricochet, sur l’employeur ou le milieu professionnel de la personne concernée.
L’affaire Karla Sofia Gascon comme illustration
Le cas de Karla Sofia Gascon illustre parfaitement l’épisode 6 de QSNTALKS diffusé en novembre 2021 intitulé Réseaux sociaux: vos publications et vos interactions engagent votre responsabilité
Récemment, l’actrice Karla Sofia Gascon, révélée et déjà récompensée à Cannes pour le film « Emilia Perez » réalisé par Jacques Audiard, s’est retrouvée au centre d’une polémique après la mise au jour d’anciens tweets polémiques. Sources : Libération , BFMTV
L’actrice a effectivement posté des tweets polémiques à une époque où elle n’était pas aussi exposée médiatiquement et ne mesurait pas la portée de ses propos. Aujourd’hui, alors qu’elle était pressentie pour une éventuelle récompense aux Oscars, ces mêmes tweets sont exhumés par les médias et la mettent en difficulté sur le plan professionnel.
Traduction du tweet: « L’islam est merveilleux, sans aucune forme de machisme. La femme est respectée, et quand elle est très respectée, on lui laisse un petit carré sur le visage pour qu’on puisse voir ses yeux et sa bouche, mais seulement si elle se comporte bien.
Bien sûr, elles s’habillent ainsi par choix.
Quel DÉGOÛT PROFOND DE L’HUMANITÉ. »
Il s’agit d’un tweet publié par Karla Sofía Gascón le 2 septembre 2020. Le message, rédigé en espagnol, exprime une critique ironique et sarcastique sur le traitement des femmes dans certaines interprétations de l’islam, notamment en ce qui concerne le port du voile intégral. L’image attachée montre un homme barbu souriant, portant une coiffe islamique, assis à une table de café ou de restaurant avec une femme entièrement voilée en noir, dont seul un petit carré laisse apparaître ses yeux et sa bouche. Une petite fille, probablement leur enfant, est également présente, vêtue d’un pull gris et d’un pantalon rouge, regardant directement la caméra. Le ton du tweet est clairement critique, et les propos de l’autrice expriment une indignation face à ce qu’elle perçoit comme une oppression des femmes.
Traduction du tweet : « Le vaccin chinois, en plus de la puce obligatoire, est livré avec deux rouleaux de printemps, un chat qui bouge la main, deux fleurs en plastique, une lanterne pliable, trois lignes de téléphone et un euro pour ton premier achat contrôlé.«
Ce tweet de Karla Sofía Gascón, publié le 19 août 2020, fait une remarque ironique et moqueuse sur la « vaccin chinois ». Le message fait référence à des théories du complot largement diffusées à l’époque concernant l’ajout supposé de micropuces dans les vaccins. L’auteur ajoute à cette idée des clichés stéréotypés sur la culture chinoise, en mentionnant des éléments comme des rouleaux de printemps, un chat porte-bonheur qui bouge la main, des fleurs en plastique, un lampion pliable, des lignes de téléphone et un euro pour une « première achat contrôlé ». Les emojis ⛩️🍜 renforcent le ton sarcastique du message. Ce tweet semble refléter une critique moqueuse des théories conspirationnistes tout en jouant sur des stéréotypes culturels, ce qui peut être perçu comme offensant ou caricatural.
Retrouvez tous les tweets polémiques de Karla Sofía Gascón (@karsiagascon) sur le site de Variety
Par un effet domino classique, son employeur, la production du film et le réalisateur Jacques Audiard, subissent également un contrecoup en termes d’image, de réputation et surtout d’enjeux financiers puisque la polémique menace les chances du film aux Oscars 2025, pour lequel Emilia Pérez détient un record de 13 nominations.
Analyse de la polémique autour de Karla Sofia Gascon
Les conséquences directes sur sa carrière
La première conséquence, et non des moindres, est la mise à l’écart quasi immédiate de l’actrice des discussions autour d’une éventuelle victoire aux Oscars.
D’autres répercussions graves pour sa carrière peuvent être envisagées, comme l’ annulation de contrats publicitaires, la difficulté à obtenir de nouveaux rôles et sa mise au ban de l’industrie cinématographique. D’ailleurs, la maison d’édition espagnole Dos Bigotes a annoncé avoir annulé la réédition de son roman autobiographique (Source : BFMTV ).
Réaction de Jacques Audiard et de Netflix
Dans la foulée de ces révélations, Jacques Audiard a déclaré se désolidariser des propos de Karla Sofia Gascon et prendre ses distances avec elle. Le réalisateur a affirmé que l’équipe de production n’était pas informée de ces tweets au moment du casting. Cette prise de distance rapide vise à protéger l’image du film et ses chances aux Oscars.
Les conséquences pour le film sont multiples :
- Risque sur les chances de succès aux Oscars : après les prix remportés à Cannes et aux Golden Globes,le film avait créé la surprise avec un record de 13 nominations aux Oscars 2025. Netflix tente de limiter l’impact de la polémique en prenant un certain nombre de mesures. Par exemple, Karla Sofia Gascon a été retiré des campagnes promotionnelles pour les Oscars, la remplaçant par Zoe Saldaña sur les affiches et elle a été écartée des prochains événements clés comme le Critics Choice Awards et le Santa Barbara Festival. Source : Le Figaro
- Risque de boycott du public : Au-delà des prix et des enjeux financiers liés aux budgets promotionnels engagés par la production, le risque de boycott du film par le public est un autre risque bien réel, ce qui, là-aussi affecte directement les recettes.
- Dégâts durables sur l’image : Même après la fin de la polémique, l’association du film à un scandale peut nuire à sa rentabilité sur le long terme (ventes de DVD, droits de diffusion télévisée, etc.).
- Retrait du soutien de certaines institutions : Des festivals ou des organismes de promotion du cinéma pourraient se montrer frileux à l’idée de sélectionner ou de récompenser un film associé à une polémique de ce type.
Les risques et conséquences pour soi de ce que l’on publie sur les réseaux sociaux
Impact sur la réputation
L’e-réputation se définit comme l’image que les internautes se font d’une personne ou d’une organisation à travers ce qui est publié et partagé en ligne. Dans le cadre d’une stratégie de personal branding, l’objectif est de bâtir une identité numérique solide et positive, qui reflète des valeurs et des compétences. Or, une simple publication jugée choquante peut, à elle seule, détruire tout le travail d’image réalisé en amont.
Le cas de Karla Sofia Gascon illustre particulièrement cette réalité : des tweets, vieux de plusieurs années, ont suffi à entacher l’image de l’actrice en pleine ascension. Bien sûr, ce n’est pas le premier cas à Hollywood.
En 2018, James Gunn, réalisateur des « Gardiens de la Galaxie », avait été congédié par Disney après la découverte d’anciens tweets jugés offensants (source : The Hollywood Reporter, 20/07/2018), et Kevin Hart, humoriste et acteur américain, qui a dû renoncer à présenter la cérémonie des Oscars 2019 après la résurgence d’anciens tweets homophobes (source : Variety, 07/12/2018).
Autres exemples :
Dans l’épisode 6 de #QSNTALKS diffusé en novembre 2021 intitulé Réseaux sociaux: vos publications et vos interactions engagent votre responsabilité, je présentais d’autres exemples significatifs de situations similaires en France, comme ceux de Pierre Salviac, licencié de RTL en 2012 pour des tweets considérés comme sexistes et injurieux vis-à-vis de Valérie Trierweiler, ou bien de Serge Aurier, alors joueur du Paris Saint-Germain, sanctionné par son Club après une vidéo diffusée en direct sur Twitter, mais encore de Gérard Filoche exclu du Parti Socialiste pour un Tweet en 2017, l’exclusion également de Rayan Nezzar de son poste de Porte-Parole de LREM pour d’anciens tweets injurieux,et enfin le cas de Mennel Ibtissem, participante de THEVOICE, contrainte d’abandonner le concours suite à une polémique concernant d’anciens tweets
Responsabilité civile et pénale
En France, la loi sur la liberté de la presse de 1881 prévoit des sanctions pour la diffamation, l’injure publique et l’incitation à la haine. Lorsque ces infractions sont commises sur les réseaux sociaux, elles relèvent du régime de la « publication par voie de presse » ou « de communication au public ».
Ainsi, l’utilisateur peut être poursuivi civilement et pénalement. Les peines vont de l’amende, aux dommages-intérêts versés aux victimes, à la peine de prison dans des cas graves, comme l’appel à la violence. Il est donc primordial de se rappeler que la loi pose des limites au principe de la « liberté d’expression » et que toute personne en France est tenue de respecter la loi, y compris sur internet et les réseaux sociaux.
Par ailleurs, si les propos tenus sont considérés comme discriminatoires (racisme, sexisme, homophobie, etc.), ils relèvent également de la loi visant à combattre les discours de haine. Des associations de lutte contre les discriminations peuvent se constituer parties civiles pour défendre les victimes et réclamer des dommages-intérêts.
Risques pour la carrière
Au-delà de l’aspect juridique, les conséquences sont nombreuses aussi sur le plan professionnel.
- Rupture de contrat : un employeur peut se séparer d’un salarié s’il estime que son comportement nuit à l’image de l’entreprise ou à son activité.
- Refus de futurs employeurs : il peut être compliqué de trouver un travail dès lors que la réputation est entachée ou que les traces numériques présentent des signaux négatifs à un potentiel recruteur.
Risques psychosociaux
Les conséquences juridiques, les risques sur la carrière professionnelle et le cyberharcèlement qui peut s’ensuivre, voire le lynchage médiatique, sont une source de stress qui peuvent avoir des conséquences mentales lourdes sur le long terme. L’impact n’est donc pas seulement matériel ou financier, il est aussi émotionnel.
Les risques et conséquences pour son employeur de ce que l’on publie sur les réseaux sociaux
Atteinte à l’image de marque
Lorsqu’un salarié ou une personnalité associée à une entreprise ou un projet artistique se trouve impliqué dans une polémique, la réputation de l’employeur est directement affectée.
Dans le cas de Karla Sofia Gascon, c’est tout le projet qui risque de voir sa notoriété entachée, de Jacques Audiard, le réalisateur, à l’équipe du film, et la production.
Perte de crédibilité vis-à-vis des partenaires
Pour un film, les partenaires sont multiples : sponsors, distributeurs, agences de presse, plateformes de streaming, etc. Si ces partenaires jugent qu’il existe un risque de retombées négatives auprès du public, ils ne manqueront pas de se détourner du projet.
Risques financiers à court et long terme
Les conséquences peuvent être dramatiques pour le film « Emilia Perez » dans sa course aux Oscars du fait de cette polémique avec toutes les conséquences financières que cela peut avoir. Des impacts financiers immédiats compte tenu des budgets déjà engagés pour la promotion du film dans le cadre de la campagne aux Oscars mais également un impact sur sa rentabilité sur le long terme, qu’il s’agisse de l’intérêt moindre des spectateurs puis des conséquences liées aux droits divers comme les diffusions télévisées, l’achat par les plateformes de streaming, les ventes de DVD.
Exemples en France
Dans des domaines autres que le cinéma, on se souvient en France du cas de la Marque ‘Le slip français » qui a mis à pied 2 salariés après la diffusion d’une vidéo considérée comme raciste filmée lors d’une soirée privée et partagée sur Instagram. Cette polémique avait entraîné des appels au boycott de la marque sur les réseaux sociaux. (Source)
Un autre exemple concernant l’impact sur une Marque du comportement d’un salarié sur ses réseaux sociaux personnels fut celui du directeur marketing de Nocibé qui avait publié des tweets racistes et islamophobes en février 2019. Bien que reflétant une expression personnelle sur un réseau social personnel, ces agissements avaient provoqué un appel au boycott de la Marque.
L’importance de gérer son “personal branding”
Définition et enjeux du personal branding
Le “personal branding” consiste à façonner et promouvoir sa propre image de marque, comme le ferait une entreprise pour un produit. Il s’agit de contrôler ce qui se dit et se voit de vous en ligne, pour apparaître sous son meilleur jour. À l’ère numérique, cette gestion de l’image est cruciale. Nous l’avons vu, un post malencontreux, un tweet agressif ou une photo compromettante peuvent suffire à éclipser des années de travail sur son image.
La maîtrise de son personal branding implique de se poser régulièrement la question : « Si quelqu’un retombe sur ce contenu dans cinq ans, comment cela va-t-il être perçu ? ». Il est primordial de projeter les publications dans l’avenir, sachant que rien ne disparaît vraiment d’Internet.
Les bonnes pratiques
- Réfléchir avant de publier : relire chaque message avant de publier, évaluer son impact potentiel à court,moyen et long terme et éviter les réactions à chaud.
- Utiliser les paramètres de confidentialité : limiter l’accès à certains contenus privés, distinguer ses comptes personnels et ses comptes professionnels.
- Surveiller son e-réputation : mettre en place des alertes Google par exemple sur son nom pour être informé de ce qui est dit ou relayé par d’autres à son sujet.
Les bonnes pratiques et précautions de la part des entreprises
Politique de confidentialité et usage des réseaux sociaux
Dans le monde de l’entreprise, établir une charte d’utilisation des réseaux sociaux permet de proposer un cadre et de clarifier pour ses salariés les enjeux de communiquer sur les réseaux sociaux, présenter les risques et les précautions à respecter et recommander des bonnes pratiques.
Dans certains cas, du fait notamment de la réglementation encadrant une activité ou d’enjeux financiers, cette Charte peut préciser les types d’interdictions liées à l’utilisation de réseaux sociaux personnels pour communiquer sur son activité professionnelle.
J’ai d’ailleurs rédigé des Chartes de ce type pour diverses entreprises dans des domaines très différents. Contactez-moi si vous avez des questions à ce sujet.
En conclusion
L’exemple de Karla Sofia Gascon illustre à quel point les conséquences de ses publications sur les réseaux sociaux peuvent être lourdes, pour soi et pour son employeur.
Il est important de prendre conscience de sa propre responsabilité et des conséquences de ses propres comportements. Ce qui a été publié peut resurgir à tout moment, et vous être opposé.
L’affaire Karla Sofia Gascon doit servir de leçon à toute personne qui publie sur les réseaux sociaux. Les mots que l’on emploie, les photos ou vidéos que l’on diffuse, peuvent avoir un retentissement bien au-delà de ce que l’on imagine sur le moment.
Les Marques et les entreprises devront se référer au cas d’école de la production du film « Emilia Perez », qui n’a pas vérifié l’historique du comportement de l’actrice sur ses réseaux sociaux et le regrette amèrement aujourd’hui pour toutes les raisons que l’on a vu.
Ces exemples ont déjà incité des entreprises à mettre en place des Chartes de comportement sur les réseaux à l’attention de leurs salariés. Il n’est donc pas impossible à l’avenir que dans un processus de recrutement, les recherches sur le comportement d’un candidat sur ses réseaux sociaux soient systématisées et beaucoup plus approfondies pour écarter tout risque éventuel sur l’image de l’entreprise.
Alors, la leçon à tirer du scandale Karla Sofia Gascon etmon conseil pour les futurs candidats : continuez de vous appliquer dans la rédaction de votre CV et de votre lettre de motivation, mais travaillez au préalable votre ‘personal branding’ et gérer vos traces numériques.
Et avant d’envoyer votre candidature, nettoyez vos réseaux sociaux des anciennes publications qui pourraient devenir gênantes pour votre image et votre crédibilité.
Je suis Frédéric Foschiani, Fondateur de QSN-DigiTal, agence spécialiste des réseaux sociaux et de l’eReputation
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